A propos des artistes de notre temps et des abords visuels envisageables, je pensais justement à Romeo Castellucci dont j'ai pu apprécier deux oeuvres au festival d'Avignon, et tout particulièrement à son Purgatorio, librement inspiré de Dante.
Le lien avec le Jardin des Supplices m'est apparu pendant le spectacle et me paraît d'autant plus intéressant que les récentes recherches et créations d'Erik Viaddeff - notamment "Profusion florale" - me semblent former un pont entre les deux œuvres déjà existantes... L'image qui promeut le spectacle du metteur en scène italien en est une belle illustration...
Aux pivoines chinoises - et orchidées d'Erik -, métaphores mirbelliennes des corps suppliciés dans le plus pur raffinement, répondent, sur la scène de Castellucci, les fleurs gigantesques qui par l'illusion d'une lentille de verre et d'un tournoiement perpétuel, se muent en formes humaines et monstrueuses, paquets de chair grotesques, splendides, poétiques, effrayants, qui se transmuent sur terre, sous terre ou dans les cieux, sous le regard de l'enfant et des spectateurs.
A la dislocation visuelle s'ajoute l'agression sonore, musique faite d'ossements, de chair et de fluides humains enregistrés dans des salles d'opération par Scott Gibbons .
Le spectateur est dans l'intervalle -purgatoire- qui sépare et relie l'être et non-être, état d'attente dans lequel nous plonge aussi l'épopée sensuelle de Clara...
Chez Castellucci, tout comme chez Dante, le corps est aussi maltraité mais son supplice paraît aussi réel, concret et charnel (le spectateur assiste auditivement - d'ailleurs très difficilement et sous l'indignation d'une partie de la salle - à un inceste) qu'irréel et mis en doute (bouleversement des points de vue, mirage des acteurs qui disparaissent derrière les visions hallucinatoires des décors): où se trouve la vérité des corps?
Je dois dire que ce spectacle a, de façon tout à fait inattendue, enrichi ma compréhension du Jardin et matérialisé cette représentation florale carnivore des corps.
Ce lien nous montre encore une fois l'actualité de notre projet qui trouve aussi sa place dans la recherche théâtrale et musicale contemporaine, à cela près que Castellucci, lui, fait du théâtre sans parole...
Enfin, pour moi, vous parler de cette œuvre est encore une manière détournée de me présenter, puisque pour le moment je préfère, à l'instar de Michel Leiris dans L'Âge d'Homme, me dire au travers des créations artistiques qui m'ont le plus marquées... Autofiction(s)?
Kinda