Dans la revue Documents, en 1930, Bataille livre sa définition de l’Informe. Il s’essaie aussi avec ses collaborateurs photographes, poètes, ethnologues à une mise en pratique. Le maître mot est montage, montage par la confrontation, la mise en relation de deux images ayant le plus souvent des parentés formelles.
Une image peut intriguer. Son unicité ne permet pas encore l’informe, elle ne recèle pas encore le potentiel dévastant qu’elle acquiert par un duo-duel avec une autre image. L’influence des expériences du cinéma russe est patente et trouvera son paroxysme dans la présentation, innovante pour l'époque, des photogrammes de la Grève*. Les parentés idéologiques existent, notamment une forme d’anti-esthétisme qui parvient chez Bataille à l’anti-idéalisme, une mise en critique qui fait fi des catégories historiques et culturelles conventionnelles. Documents se présente comme un laboratoire** qui exalte davantage l’œuvre se faisant, dans sa maladresse, son instabilité et ses revirements probables que la certitude d’un art achevé. (EV)
* Réalisé en 1924, la Grève fut le premier film d’Eisenstein.
** Un document sur l’état d’esprit de Bataille, écrira perfidement le cofondateur et finalement détracteur Pierre d'Espezel. Il semble que Bataille se soit détaché, pour notre bonheur, des intentions initiales de la revue…