Voici un essai (encore en ébauche) où la parole est, chez Mirbeau, portée par la narrateur et que je confie pour ma part à Clara :
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« Ici, viens par ici…
Refuse le palanquin et va à pied dans le jardin, par le sentier de roses blanches et de troènes. Derrière toi, ardente, escaladant la colline, tu vois la ville jaune, rouge et verte qui crépite sous la lumière. Suis ma course effrénée jusqu’au fleuve et traverse le parfum noir de l’eau des villes. Passe sur le pont où piétine la foule élégante de la Viande-aux-Forçats. Fraye-toi un chemin dans la brutalité des robes à fleurs où se battent, furieuses de cris, de rires et de joie, les femmes. Puis, dans une échoppe grimaçante, choisis avec soin les quartiers de viande pourrie, ceux qui pendent comme des drapeaux au bout de longs crochets, chairs qui pendent à des fers.
Petite femme… Tu n’es rien qu’une petite femme.
Ici, ici, viens par ici…
Vibre quand la foule des femmes, fébrile, fait monter la rumeur, se précipite comme une poussée de fleurs.
Vois les portes s’ouvrir, chéri, ne sois plus triste je t’en supplie, pense à toutes les belles choses que tu vas voir.
Passe les portes du bagne.
Du fond de ce couloir obscur, tu entends des sons de cloches, ouatés par la distance.
La cloche !... La cloche !... Nous avons de la chance… Ne sois plus triste. Ne sois plus malade, je t’en prie !...
La cloche !... La cloche !... La cloche !... Viens !...
- Clara !... Clara !... »
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Puis, voici comme l’on peut décrire Clara de l’extérieur et opérer ainsi une « couture narrative » :
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Elle était belle, libre et joyeuse
tendait son corps dans la foule
humait les parfums
peau blanche sur rose ardent
lèvres gonflées en bourgeons
tendait son corps aux coups.
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Le texte du livret se poursuit bien sûr…