18 avril 2009

Méduse(s) /2/

La Belle Epoque retient essentiellement de Méduse ses connotations biologiques et féminines. Fernand Khnopff, par exemple, multiplie ces visages féminins au regard fixe, frottés au pastel, quand il ne moule pas dans le plâtre des têtes qui évoquent quelque relief antique. Certains exégètes de l’artiste belge insistent sur l’importance du regard. Ce n’est pas tant cela qui frappe, mais une féminité stéréotypée qui acquiert un intérêt par le nombre et la répétition, la variante*.
Le décor coréalisé par Böcklin ne diffère guère du modèle du Caravage et s’inscrit dans la tradition du récit antique. La gorgone est, rappelons-le, un motif martial souvent associé au cheval, raison pour laquelle il est figuré sur le bouclier. Le motif méduséen est, dans son acception mythologique, masculin. Sa chevelure même, sans paraphraser Freud qui, en 1922, y descelle des symboles du pénis, est celle des guerriers, par opposition à la mariée grecque, que l’on rase. Mais cette préséance masculine revêt aussi des ambivalences. Cette ambiguïté sexuelle se prête à de multiples interprétations du roman de Mirbeau et l’on ne peut passer sous silence l’impuissance et l’émasculation qu’évoque une lecture psychanalytique de la méduse**.
Plus simplement, Méduse charrie toute une iconographie du corps supplicié, de la tête tranchée***, que des historiens révèlent dans la représentation des guillotinés, dolorisme historique et symbolique de la Terreur. (EV)


* Comme, à des degrés divers de réussite, chez les peintres Delvaux et Rossetti.
** Une interprétation que réfute Jean-Pierre Vernant. (La Mort dans les yeux, Hachette, 2008)
*** Voir à ce sujet Jean CLAIR, Méduse, Gallimard, 1989