Comme nous l’énoncions précédemment, l’acte 2 (le Bagne) et plus encore l’acte 3 (le Jardin) exaltent une représentation subversive du corps qui n’est pas sans parenté avec des débats initiés bien après la disparition de Mirbeau, dans les années 1920 et 1930. Ces théories sur l’Informe anticipent évidemment l’art corporel et l’Actionnisme viennois, déjà évoqués dans ces pages. Outre qu’elles influencent les partis pris visuels de notre entreprise, ces questions occuperont très bientôt l’actualité culturelle *...
Bien que l’Informe se refuse par essence à la catégorisation, on distinguera l’informe par démantèlement, fragmentation brutale, qui correspond complètement à la partie descriptive des supplices**, et un informe anamorphique, amnésique***, jouant des ombres et des angles de vue les plus inhabituels****. C’est ainsi qu’un Nu de Brassaï finit par ressembler à un attribut masculin. À ce sujet, Rosalind Krauss écrit : le corps de la femme et l’organe masculin sont devenus respectivement le signe l’un de l’autre.***** Cette femme phallique génère une forme d’inconfort en abolissant spectaculairement les catégories sexuelles. Le terme de « ressemblance » est lui-même des plus discutables : une analyse plus fine nous reporterait également au conflit qui opposa le propos analogique de Breton à l’Informe de Bataille. En 1933, en écho à Breton, Tristan Tzara consacra un essai aux chapeaux féminins, à leurs formes et replis évocateurs... (EV)
* J’ai déjà mis l’accent ICI sur cette prochaine exposition mais sous son angle cinématographique.
** L’acte 3, qui correspond dans le texte de Mirbeau à la partie éponyme, le Jardin des supplices.
*** Par sa forme, il nous fait oublier la représentation dont il est issu, son origine objective...
****...à retrouver dans l’acte 2, le Bagne.
***** Corpus delicti, dans le Photographique, 1990, Macula, pp.163 à195