L’acte III de notre opéra correspond au chapitre Le Jardin des supplices qui a donné le titre du roman. Clara y goûte, avec un plaisir d’esthète, les transformations opérées sur les corps des suppliciés : « l’art de tuer selon les rites de la beauté, de travailler la chair comme un sculpteur » Erik Viaddeff souligne ici que les pratiques décrites par Mirbeau pourraient annoncer le Body Art et ses modifications corporelles ainsi que l’Actionnisme viennois.
Dans ma composition, toutes les sources sonores (les instruments acoustiques, mais aussi la voix) sont retravaillées à l’ordinateur. Dans cet acte III, j’ai utilisé, entre autres, le tympanon (c’est un petit cymbalum) encouragé par l’expérience très convaincante de John Cage qui, vers 1935, probablement influencé par Henry Cowell, inventa le « piano préparé ». Il s’agissait d’altérer le son de l’instrument en plaçant divers objets dans les cordes. A l’instar du piano cagien, le tympanon a été préparé avec des gommes et des plaques en plastique dur. Le spectre harmonique de cet instrument à cordes frappées avec des baguettes est ainsi modifié, de même que ses hauteurs, son intensité, ses résonances. Toutes les cordes n’ont pas été préparées, certaines sont libres (elles sont frappées ou résonnent par sympathie) d’autres rendues muettes avec un linge (l’instrument n’a pas d’étouffoirs). C’est une transformation en amont du travail numérique. Le travail sur le corps est signifié par le travail sur le son des instruments et des voix. Cette séquence sera présentée très prochainement sur cette page. Avec ses variantes, elle traverse tout l’acte, comme un fil rouge.
Détlef Kieffer