14 mars 2010

Un néoclassicisme dévoyé 1/2

Jean-Claude Lebensztejn évoque dans un essai audacieux* les dernières années de David, grand peintre néoclassique exilé à Bruxelles. Les critiques d’hier et d’aujourd’hui sont acerbes : les contemporains constatent à propos de ces œuvre ultimes, qualifiées de sinistres mythologies bruxelloises, les couleurs émaillées, dures et désagréables, les conventions, le maniérisme. Il est question d’un idéal perverti, d’un beau de réunion que fustigeait Füssli, et que nous avons déjà évoqué ICI.
Le tourmenteur est à sa manière un néoclassique, amateur de vrai et de beauté, ce qui conduit paradoxalement à cette esthétique de l’hybride et de l’assemblage : cet idéal qui procède empiriquement, par la sélection des plus belles parties de la nature et leur combinaison en un tout exquis, cet idéal, donc, est censé effacer les sutures. Dans les tableaux du peintre exilé, et c’est J.C Lebensztejn qui l’affirme, l’idéal n’est plus une fin en soi mais un élément de la combinatoire, associé à des caractères réalistes qui fléchissent l’intention de vérité, la gauchisse, la pervertisse… Le tourmenteur serait une incarnation décadente du sculpteur néoclassique, par exemple un Canova assumant les outrages, ou l’héritier prodigue et pervers du peintre Zeuxis, mythe fondateur de ce beau de réunion.


*Jean-Claude Lebenszejn, De l’imitation dans les Beaux-arts, Editions Carré, 1996