Dans un de ses ouvrages, Michel Chion* souligne que le ralenti détaille la pesanteur, en fait durer les retombées, tout en soulignant la grâce du mouvement. Cette phrase peut être aisément associée avec les corps tombants de Peckinpah. Ce dernier est ordinairement considéré, et de façon restrictive, comme le cinéaste de la violence. La mort est lente, entre la déflagration de la balle, suivie immédiatement de l'impact, et l'affaissement de la carcasse, en cet état gracieux et paradoxal qui induit une chute sans arrière pensée: la Mort agite elle-même ses pantins. Cet effet utilisé jusqu'à saturation métaphorise la fragilité de l'être humain, saisi dans ses errances et ses troubles, sans aucune prise sur sa destinée.
Michel Chion* rappelle également que le ralenti est le parangon du cinéma érotique. Il exalte un temps statique parsemé d'actes répétitifs ritualisés. Dans notre opéra le Jardin des supplices, il s'agit d'exprimer des récurrences obsessionnelles plutôt que des gestes réitérés.
L'action décomposée illustre davantage l'échec d'un aboutissement, la tyrannie d'une insatiable morbidité. L'accomplissement, au sens klimtien du terme, semble impossible... Kinda Mubaideen soulignait très bien le caractère exclusif et par là même admirable de Clara: elle va jusqu'au bout, au mépris de toute contingence morale...
Je suis l'ombre d'une ombre qui s'est enlisée**, écrivait Michaux...
* Michel CHION, la Musique au cinéma, Fayard, 1995
** Henri MICHAUX, La Ralentie, Dans Lointains intérieurs suivi de Plume, Gallimard, 1938