Extrait du livret de Kinda Mubaideen:
(...)
autour de lui
bourdonnent et tourbillonnent
des mouches pleines de vie
Avec bonhomie
Il nous dit ceci:
« Il est fâcheux que vous ne soyez pas venus une heure plus tôt. Vous auriez vu un travail rare et extraordinaire, milady. J’ai retaillé un misérable coolie du port des pieds à la tête, après lui avoir enlevé toute la peau ! Puis je l’ai fait marcher alors que sa peau ne tenait plus qu’à une boutonnière ! Jamais il n’avait eu de plus parfait tailleur ! Ha !... Ha !… Ha !... Notez, hier, j’ai fait d’un homme une femme… C’était à s’y méprendre… Et je m‘y suis mépris ! Pour voir ! Demain, si les génies veulent bien m’accorder une femme, j’en ferai un homme… C’est moins facile ! Ha !... Ha !...
C’est que notre métier se perd, milady, et je m’efforce à en conserver les traditions. Car l’art ne consiste pas à tuer beaucoup, à égorger, massacrer, exterminer en bloc. L’art, milady, consiste à savoir tuer selon des rites de beauté dont nous autres Chinois connaissons seuls le secret divin… Savoir tuer !... Travailler la chair humaine comme un sculpteur son ivoire, en tirer toute la somme et les prodiges de souffrance qu’elle recèle au fond de ses ténèbres et de ses mystères… C’est comme les fleurs… Nous avons perdu le sens des fleurs !
- Je voudrais être fleur… Je voudrais… je voudrais être… tout ! Et je voudrais, quand je serai morte, que l’on mît dans mon cercueil des parfums très forts… des fleurs de thalictre… des images de péché… de belles images ardentes et nues… ou bien je voudrais être ensevelie, nue, dans les cryptes du temple d’Elephanta… Ah ! Mon chéri… je voudrais être morte déjà !
- Clara ! Clara !... Je t’en supplie !... Tais-toi !... »
Nous accélérons le pas et son ombrelle, au-dessus de nos têtes, volète, légère, brillant et folle, ainsi qu’un grand papillon.