16 juillet 2009

Du cinéma expressionniste

Clara attire et absorbe le regard du narrateur, annihile son discernement. Le décilage apparent qu’opère la vue des corps démembrés, une certaine vérité clinique, constitutive, brouillent encore davantage notre faculté d’analyse, relèguent au rang de croyance infantile le cartésianisme et le positivisme supposés du narrateur. C’est bien là un des enjeux majeurs du cinéma expressionniste : la mise à mal des valeurs progressistes, l’insinuation perpétuelle d’un doute, d’une façon encore plus revendiquée que le furent les connotations décadentes*. L’étrangeté (qui peut servir de pont entre le climat fin de siècle et le Surréalisme) est mise au plus haut : « vouloir savoir et ne pas vouloir savoir ».
T. Elsaesser** relève avec brio les obsessions expressionnistes, fait état de récurrences qui, dans notre contexte, sont frappantes : le récit emboîté, les tireurs de ficelle de marionnettes humaines, la peur d’être observé et les incertitudes de la vision. Il relève dans Caligari ce que l’on pourrait aussi attribuer au Jardin des Supplices : la « réversibilité sans fin mise en place par le récit d’encadrement, soutenue par une mise en abyme de la narration et ses prétentions à la vérité ».

* Nous reviendrons prochainement sur ce terme qui mérite des nuances.

** Voir la référence dans l’article précédent.