9 juillet 2009

Tentative mabusienne

Qu’y aurait-il de commun entre l’incarnation feuilletonesque du mal, véritable mauvaise conscience d’une nation, et un livre fin de siècle sur la désintégration du couple et des réflexes moraux. Rien, du moins en apparence… Nous discernons toutefois dans les Mabuse* de Fritz Lang une bonne part des enjeux esthétiques du Jardin des supplices.
L'article passionnant de Thomas Elsaesser** souligne l’importance capitale du regard dans le premier Mabuse, moins expression du pouvoir que son déguisement, sorte de « Méduse qui fixe et hypnotise ». L’originalité du propos, c’est l’impuissance du regard à laquelle tentent de pallier toutes les machines du génie du mal. La thématique rejoint une approche très contemporaine de l’image : son omniprésence ne fait en définitive que vivifier ses manques, mettre en relief une aporie constitutive. Clara et le narrateur sont des transmetteurs pour les voyeurs que nous sommes. Il est bien aussi question d’un phénomène d’absorption, d’assimilation vampirique.(EV)


* Dans la filmographie de Fritz Lang, Mabuse est présent trois fois : en 1922 (Dr Mabuse der Spieler), en 1933 (Das Testament des Dr. Mabuse) et en 1960 (Die tausend Augen des Doctor Mabuse).

** Cette proposition reprend une bonne part de l’analyse de Thomas Elsaesser. Au cœur de la pensée, une âme chargée de dynamite. Créatures, machines à images et apprentis sorciers, dans l'ouvrage de la Cinémathèque Française, le Cinéma expressionniste allemand, splendeurs d’une collection, 2006.