2 août 2009

Esthétique ou dénonciation du bagne /2/

Erik Viaddeff, image extraite des essais pour le bagne


Dans cette partie s’agence également la loi des contraires entre une clientèle riche et endimanchée et la réalité sordide des bagnards, entre la nudité qui préfigure les anatomies du Jardin des supplices et les attributs, la préciosité, les conventions de la civilisation. Mirbeau joue de ces oppositions qui formellement tiennent encore du juxtaposé, du confronté. Il s’agira par le biais de l’image animée d’user à la fois de contrastes au montage et de collages dans le plan.
Il est difficile de voir en Mirbeau, dans ce contexte, un farouche opposant à cet univers pénitentiaire qui, à l’homme du vingt-et-unième siècle en rappelle d’autres. C’est lui faire un mauvais procès que de juger l’écrivain à l’aune de l’histoire du siècle passé. La description du bagne, pour complaisante* qu’elle puisse paraître (mais n’est-ce pas là tout le propos ambigu mais novateur du livre ?) n’en est pas moins saisissante.
Comme l’écrit Albert Londres en 1923 dans son article demeuré célèbre, le bagne n'est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c'est tout, et les morceaux vont où ils peuvent (...).(EV)


* On reviendra prochainement sur l’ancrage oriental du livre et ses supplices nécessairement chinois…